Chronique du Tay des cimes

Berlin, ville d’émotion

16 janvier 2017

Nous ne pouvions pas quitter Berlin sans être allé au Mémorial du Mur de Berlin, à la Bernauer strasse ? S’y dresse encore 200m de mur où l’on imagine le fonctionnement de cette « frontière ».

 Du côté « Est », sur une distance de plusieurs dizaines de mètres, l’espace est nu ; les habitations qui gênaient alors ont été rasées. Du côté « Ouest », les habitations se trouvaient à quelques mètres du mur. Le béton y était copieusement tagué. Aujourd’hui, les gens ont piqueté la structure afin de récolter des débris colorés ; certains sont même mis en vente dans des boutiques de souvenirs. Là aussi, le calme est la règle. Seuls, les oiseaux s’extériorisent dans la végétation environnante. Au centre des visiteurs, un film nous replonge dans les événements qui ont la ville de 1961 à 1989.

En revoyant ces images, notre amie allemande a laissé percer son émotion : en 1961, elle est passée de l’Est à l’Ouest avec sa famille. Trop jeune pour comprendre, elle se demandait pourquoi ses parents lui faisaient enfiler sur le corps plusieurs couches de vêtements. Elle s’est retrouvée avec les siens dans un camp de réfugiés en attendant que leur situation se régularise.

De tout temps, les totalitarismes ont fait, et font encore, table rase pour donner naissance à ce qu’ils appellent « un monde nouveau ». Nous nous associons silencieusement à la peine de notre amie qui ressent encore dans tout son être cette déchirure. (Un orage a eu la délicatesse d’éclater quand nous visionnions le film.)

Nous retournons en métro dans un coin remarqué lors de notre promenade en bateau : le quartier de l’église Saint Nicolas. Des tables sont installées le long du quai de la « Spree ». La statue de Saint Georges terrassant le dragon nous protège. Nous sommes à la terrasse du bistrot « Heinrich Zille », nom du dessinateur-humoriste qui a défrayé la chronique à la fin du 19e et au début du 20e. C’est lui qui a déclarait (1922) : « Wie herrlich ist es nichts zut un und dann vom Nichtstun auszuruh’n. » (Que c’est merveilleux de ne rien faire et, après, de se reposer de n’avoir rien fait !).

Absorbés par une assiette de filets de harengs nappés de crème avec des pommes de terre « coufies », le temps s’est arrêté. Nous étions devenus Berlinois. Nous n’avons pas ressenti ce que Goethe soulignait quand il vint pour la première fois et unique fois dans la capitale de la Prusse, il y a près de 200 ans : « Je remarque que vit à Berlin une espèce d’individus affichant une telle arrogance que, si nous voulons nous faire une place, ce ne sera pas avec notre bonne éducation que nous y arriverons mais plutôt en devenant, si nécessaire, un malotru. »

(Es lebt aber, wie ich an allem merke, in Berlin ein so verwegener Mens chenschlag beisammen, dass man mit der Delikatesse nicht weit reicht, sondern dass man Haare auf den Zähnen haben und mitunter etwas grob sein muss, um sich öber Wasser zu halten.)

 

 

Le Tay des cimes

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