Théologie

Bible et tradition noire dans les prédications de King

30 novembre 2018

Martin Luther King l’a dit et répété à de nombreuses reprises : je suis fondamentalement un homme d’Église, un prédicateur baptiste. Inutile donc d’opposer le tribun et le pasteur : le langage de l’un comme de l’autre est imprégné de la Bible et de ses récits tout comme de spirituals et gospels qui font tant écho à ses auditeurs noirs. Son fameux discours Je fais un rêve du 28 août 1963, celui qui clôt la marche de Selma le 25 mars 1965, ou encore sa dernière intervention publique, la veille de sa mort, l’attestent.

Martin Luther King l’a dit et répété à de nombreuses reprises : je suis fondamentalement un homme d’Église, un prédicateur baptiste. Inutile donc d’opposer le tribun et le pasteur : le langage de l’un comme de l’autre est imprégné de la Bible et de ses récits tout comme de spirituals et gospels qui font tant écho à ses auditeurs noirs. Son fameux discours Je fais un rêve du 28 août 1963, celui qui clôt la marche de Selma le 25 mars 1965, ou encore sa dernière intervention publique, la veille de sa mort, l’attestent.

 

Mettre en mouvement

Ce n’est pas un hasard, King est un black preacher. Fils, petit-fils et arrière-petit-fils de pasteurs, il baigne dans ce milieu, en un temps où l’Église noire est dans le Sud des États-Unis l’unique institution où tout individu noir peut s’accepter. Aussi s’appuie-t-il sur sa tradition pour non seulement émouvoir les assemblées auxquelles il s’adresse, mais mettre ses auditeurs en mouvement, jusqu’à leur rappeler :

« Il y a bien des siècles, Jérémie posait cette question : N’y a-t-il pas un baume en Galaad, pas de médecin là-bas ? (Jérémie 8.22). Il s’interrogeait parce qu’il voyait si souvent souffrir des hommes justes et bons, et prospérer les méchants. Longtemps après, nos arrière-grands-parents esclaves eurent à leur tour à affronter les injustices de la vie : jour après jour, rien d’autre n’apparaissait à l’horizon, que le fouet en cuir du surveillant, les longues rangées de cotonniers dans la chaleur étouffante. Mais ils firent une chose étonnante : se reportant des siècles en arrière, ils se saisirent du point d’interrogation de Jérémie pour en faire un point d’exclamation. Alors ils purent chanter There is Balm in Gilead (il y a un baume en Galaad). »

Trouver la force de la lutte dans les chants (© Amanda Lucidon)

 

Le chant pour se lever

Conscient de la portée et de l’impact des chants traditionnels, King les cite fréquemment. Ils prolongent la méditation et permettent de l’intérioriser tout en conjuguant communautairement raison et émotion.

Si pour rappeler les exigences du Dieu de justice et d’amour, King se réfère par exemple à Amos 5.24, Matthieu 5.11 ou Matthieu 5.44, Down by the Riverside, avec son I don’t want to study war no more, incite à garder le cap lors des manifestations ; I Shall not Be Moved (Psaume 1.3) permet de tenir debout quoi qu’il en coûte ; et l’exemple de Shadrak, Meshah et Abed-Négo (Deutéronome 3.8-30) de demeurer confiant. Anyhow (malgré tout).

Les prophètes et leurs paroles de feu (Ésaïe, Jérémie, Amos), Jésus habité de l’Esprit, Paul et son injonction à s’offrir soi-même en sacrifice vivant (Romains 12.1s) façonnent l’engagement de King. Ils dictent ses paroles qui donnent à ses frères et sœurs africains-américains le courage de se lever, la ténacité pour résister, convaincus de remporter envers et contre tout la victoire. Et si le chant We shall overcome devient l’hymne du Mouvement, c’est qu’il galvanise les troupes en les ramenant à l’essentiel, soit à porter le regard vers cet Autre, le Dieu de Moïse et de Jésus, seul capable d’ouvrir un chemin là où il n’y en a pas.

 

En savoir plus

Repères chronologiques

 

1929 : naissance de MLK à Atlanta.

1948 : MLK entre au séminaire de Crozer, en Pennsylvanie.

1953 : MLK épouse Coretta Scott, qui le suivra dans tous ses combats.

1955 : 1er décembre, Rosa Parks refuse de céder sa place dans un bus de Montgomery, en Alabama. MLK est nommé président de la Montgomery Improvement Association (MIA), association qui a pour but d’organiser l’entraide entre Noirs pendant le boycott qui s’ensuit.

1954 : MLK prend en charge l’Église baptiste de Dexter, à Montgomery.

1957 : MLK et un groupe de pasteurs créent la Southern Christian Leadership Conference (SCLC), organisation chrétienne prônant la désobéissance civile et non violente.

1963 : 28 août, MLK prononce son discours « I have a dream » lors de la marche sur Washington. Le magazine Time l’élit « homme de l’année ».

2 juillet 1964 : adoption du Civil Rights Act, qui interdit toute forme de discrimination et de ségrégation dans les lieux publics.

14 octobre 1964 : MLK reçoit le prix Nobel de la paix.

21 février 1965 : assassinat de Malcolm X, le chef de la tendance extrémiste des Black Muslims.

Mars 1965 : MLK participe aux trois marches entre Selma et Montgomery pour protester contre les mesures qui empêchent les Noirs de voter dans le Sud.

6 août 1965 : le président L.B. Johnson signe la loi sur le droit de vote.

27 novembre 1967 : MLK annonce que la Southern Christian Leadership Conference (SCLC) organise une marche des pauvres, Noirs et Blancs, sur Washington.

4 avril 1968 : assassinat de Martin Luther King Jr.

2 novembre 1983 : le président Reagan signe un texte de loi selon lequel, dès 1986, le troisième lundi de janvier sera une fête nationale pour commémorer la naissance de Martin Luther-King Jr.

Serge MOLLA
pasteur, docteur en théologie

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