Gorgées d’Évangile
Au cœur de l’été de cette année Luther, voici quelques pensées vigoureuses et rafraîchissantes du réformateur tirées de Gorgées d’Évangile, Libres paroles de Frère Martin Luther, librement rapportées par Michel Boutier. Les bergers et les mages, 1997.
Chrétiens, cela ne peut plus durer ainsi.
Il nous faut autre chose !
Quoi donc ?
La Parole, la Parole, la Parole.
Même si le Christ naissait et se trouvait crucifié pour la millième fois, cela ne servirait de rien, si la Parole de Dieu ne venait, elle, l’apporter à tous ; si elle ne venait me l’offrir à moi en disant : c’est pour toi, prends-le, reçois-le.
Ce n’est pas parce que l’Église parle qu’il y a parole de Dieu, mais quand la Parole est dite, alors voici l’Église.
L’Église ne crée pas la Parole, elle est créée par elle.
C’est par l’Évangile seul, l’Évangile prêché, que l’Église est conçue, formée, nourrie, engendrée, conduite, alimentée, vêtue, ornée, fortifiée, armée, gardée...
Il ne faut pas faire du Christ un Moïse ni le considérer comme un maître ou comme un exemple.
Ce qui est capital dans l’Évangile, c’est de recevoir et de reconnaître le Christ comme un don de Dieu.
Saisir le Christ comme un modèle, voilà la partie la moins importante de l’Évangile. Elle ne mériterait même pas d’y figurer : le Christ n’est alors pas plus utile qu’un autre saint. Sa vie reste la sienne, sa propriété, elle ne te secourt pas directement.
L’article principal, le fondement même de l’Évangile, c’est que, avant de prendre le Christ pour modèle, tu le reçoives et le reconnaisses comme un cadeau, un don qui t’a été octroyé par Dieu et qui désormais t’appartient.
Tu peux compter là-dessus comme si ce que le Christ a fait, tu l’avais fait toi-même. Bien plus, comme si tu étais toi-même le Christ.
Il est impossible de reconnaître Dieu sans dommage, sinon en te tenant à la crèche. Si ton imagination, ou tes préoccupations, t’engagent sur le chemin inverse ; si tu commences par réfléchir à sa divinité, à la manière dont Il gouverne le monde, à la façon dont Il a détruit Sodome et Gomorrhe ; si tu cherches à savoir s’Il a prédestiné ou non tel ou tel homme, tu te casseras le cou immédiatement : tu tomberas du ciel comme l’esprit malin.
Mon cher, n’escalade pas le ciel ! Va d’abord à Bethléem.
Ne cherche pas Dieu au ciel. Tu ne l’y trouveras pas. Le ciel est devenu vide de lui.
Cherche-le sur la terre où il se tient caché et crucifié.
À ta porte.
À côté de toi.
Nous affirmons que la religiosité humaine n’est rien d’autre qu’une atteinte à la Majesté divine et que, de tous les péchés que l’homme peut connaître, la piété est le plus grand.
Dieu nous donne des noix.
Il ne nous les casse pas.
Nul ne saurait empêcher les noirs oiseaux de voltiger au-dessus de sa tête.
Du moins pouvons-nous leur interdire de nicher sur notre crâne.
Notre foi ne repose ni sur l’usage ni sur l’habitude.
Notre Dieu se nomme en effet non pas : Coutume, mais : Vérité.
Nous avons un Seigneur dans la vie, dans la mort, et au-delà de la mort.