« Humus », une découverte
De retour de voyage chez son fils, l’homme de ma combe reste pensif enivré par les senteurs de sous-bois qui envahissent l’atmosphère.
Cet automne, notre homme est allé voir son fils, là-bas, de l’autre côté de l’océan, au fin fond du Massachusetts. C’est au milieu des Berkshire que notre homme se sent le mieux. Dans ce pays résonne encore le silence de l’époque glacière où des dizaines de mètres de glace recouvraient le sol. Ici, l’immensité arrive à contenir la folie urbanistique des hommes. Ici, pas de conflits, pas de terreur, mais la paix de la nature où l’horloge d’un ruisseau accompagne le soleil dans sa course.
L’avenir de l’humanité ?
Comme pour Henry David Thoreau, une petite maison, d’une seule pièce, suffirait pour vivre : trois chaises (une pour la solitude, deux pour l’amitié, trois pour la société). Dans son dernier livre, « Humus », Gaspard Koenig cite plusieurs fois ce descendant de huguenot qui a échoué dans la Nouvelle Angleterre au 19e siècle, où il deviendra avec Emerson un des chantres du transcendantalisme. Koenig fait dire à Arthur, un de ses personnages, « Thoreau était-il libertarien ou anarchiste, poète ou philosophe ? » Pour l’homme de ma combe, c’est d’abord un philosophe.
Aujourd’hui, les écologistes devraient s’inspirer de la pensée de cet homme qui passait son temps à éliminer plutôt qu’à accumuler. En cultivant son petit bout de potager, poursuit Koenig, il avait même inauguré sans le savoir la technique du semis direct sans labour. « Voilà l’idéal d’un homme libre ! » s ‘écriera l’Arthur du livre de Koenig. Dans « Humus » tout tourne autour du vermicompostage pour arriver à une insurrection écologique. Certains de nos élus parlementaires doivent en rêver ! L’avenir de l’humanité est-il dans la géodrilologie, la science des vers de terre ?
Le ver de terre
Notre homme se souvient alors de la succulente fricassée de champignons que son fils lui avait préparée : des « grifolas frondesa » (Poule des bois) qu’un de ses voisins lui avait apportés. Ce sont des polypores généreux aux vertus thérapeutiques. Là-dessus, un petit muscadet de Sèvres-et-Maine, dont le melon de Bourgogne rappellerait la fraîcheur de l’ère glaciaire. Et voilà notre homme hors du temps, dans une communion galactique.
Les frondaisons d’automne cévenoles paraissent bien pâles à côté de la flamboyance des pentes du Mont Greylock, source d’inspiration d’Hermann Melville pour Moby Dick ! Préoccupé par la mort, l’homme de ma combe repense à « l’humusation » dont parle Koenig dans son livre : la transformation du cadavre en humus. Il s’agirait de revêtir d’un linceul bio dégradable, le corps déposé à même le sol puis de le recouvrir d’un tumulus de matières végétales, savamment dosées. Bactéries et champignons se chargeraient, pendant plusieurs mois, d’accélérer la décomposition des chairs. À mi-parcours, un croque-mort New Age viendrait récupérer et broyer les os. Au bout d’un an, ne subsisterait plus qu’une butte noire et humide. Seule trace d’une existence dérisoire…