Cinéma

Je verrai toujours vos visages, Palme d'or à Cannes

01 juin 2023

Dans Pupille, Jeanne Herry traitait de l’accouchement sous X et de l’adoption en mariant documentaire et fiction d’une manière sobre. On y sentait la réalisatrice tournée avant tout vers les émotions délivrées par des acteurs qu’elle dirigeait avec rigueur. Je verrai toujours vos visages, sur un sujet plus austère encore et inconnu du grand public, la justice restaurative, reprend les mêmes principes.

Gilles Lellouche et Élodie Bouchez, qui jouaient dans Pupille, y sont épaulés par d’autres acteurs de grande notoriété, Miou-Miou, Adèle Exarchopoulos, Denis Podalydès, Jean-Pierre Darroussin, Leïla Bekhti… et d’autres, moins connus mais remarquables, tels que Suliane Brahim et Birane Ba (de la Comédie-Française) ou Dali Benssalah.

C’est le regard et l’écriture intense de Jeanne Herry, tout autant que la distribution, qui font la force de ses films. La justice restaurative consiste à faire dialoguer des victimes et des agresseurs (mais pas les leurs) pour qu’ils essayent de se comprendre. Cela suppose des médiateurs, de la préparation, de l’écoute. En alternance, le film se concentre sur deux situations : celle de Chloé (Adèle Exarchopoulos), violée durant son enfance par son frère, qui apprend que celui-ci s’installe dans la ville où elle vit et veut éviter de le rencontrer au quotidien. Judith (Élodie Bouchez) doit l’aider et aider son frère à préparer leur face-à-face. En parallèle, au moyen d’un montage alterné, nous suivons les situations de trois victimes qui rencontrent, durant des mois, trois prisonniers auteurs d’agressions, en présence de deux médiateurs.

Inspiré par des situations réellement vécues, le film est particulièrement précieux aujourd’hui parce qu’il démontre le pouvoir de l’écoute : elle permet le respect de l’autre, puis sa compréhension, et finalement une forme d’amitié, d’affection. Le contrepoint qu’offre Chloé nuance ce qui pourrait sembler mièvre dans l’humanisme résolu qui se dégage de l’œuvre, mais la rage et la détermination du personnage forcent l’admiration. Trois semaines après sa sortie, le film a passé la barre des 500 000 spectateurs. C’est mérité.

Philippe Arnaud

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