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Montpellier

L’actualité de Paul Ricœur

01 septembre 2017

Quand les protestants se saisissent de l’actualité, cela permet de découvrir l’un des plus grands philosophes du 20e siècle. Olivier Abel, professeur de philosophie et d’éthique à l’IPT de Montpellier, a présenté la vie et surtout la pensée de Paul Ricœur.

Au lendemain des élections législatives, le temps était venu de s’engager dans une phase de réconciliation après tant de mois de clivages et de divisions. L’Église protestante de Montpellier a proposé de le faire à partir des travaux du philosophe Paul Ricœur, récemment remis à l’honneur par sa collaboration avec Emmanuel Macron pour l’édition de La mémoire, l’histoire, l’oubli. C’est son ami Olivier Abel qui s’est prêté à l’exercice en mettant en évidence quatre éléments décisifs de sa pensée. 

La question du mal

Constatant l’universalité du mal, Ricœur fait remarquer qu’il y a, derrière la culpabilité, la capacité à faire du mal. Or cette capacité peut être orientée positivement — c’est le sens de l’éthique qui est une visée. Loin d’être pessimiste, Ricœur est un apôtre du « oui » que l’homme est capable de prononcer et qui permet à l’espérance de l’emporter sur la déchéance.

La situation des langues : notre vie peut être comprise comme une grande conversation que nous prenons en cours de route et qu’il nous faudra laisser à d’autres au moment de notre mort. Cela implique que nous sachions interpréter ce qui a été dit par le passé et que nous apportions notre part personnelle au dialogue — condition indispensable pour que le monde ne reste pas identique à lui-même. Pouvoir prendre sa place dans ce grand dialogue implique une confiance en soi et un respect de l’autre, qui permettent une conversation infinie en forme de conflit des interprétations, selon l’expression de Ricœur.

Le temps

Le temps peut être compris comme le tissage des histoires individuelles, des récits. Il insiste, là aussi, sur le pluriel des histoires qui forment l’Histoire, sur la nécessité d’une pluralité de récits. Contre l’esprit de synthèse, il importe de privilégier la multitude d’intrigues : nous sommes enchevêtrés dans un réseau de textes, de mémoires, d’actes, qui nous nourrissent chacun de manière unique. Dans le temps, dans l’histoire, il y a aussi l’opportunité de retrouver des possibilités qui n’ont pas été exploitées.

L’action

C’est par l’action que l’homme assume ses responsabilités et, de fait, sa dignité. Agir, parler et raconter sont constitutifs de l’homme éthique que Ricœur appelle de ses vœux. Cette action oscille entre l’éthique (visée du bien) et la morale (protection à l’égard du mal).

À partir de La mémoire, l’histoire et l’oubli, nous pourrions établir notre feuille de route pour les semaines qui viennent comme suit : formuler le dissensus (exprimer sérieusement nos désaccords de fond et chercher le débat le plus représentatif de notre société), exercer le pardon (rabaisser le niveau de violence et lâcher le désir de vengeance) et retisser l’intrigue avec confiance (rouvrir les vieilles promesses, mettre en relation nos sources culturelles, donner du sens à ce que nous voulons faire advenir).

James WOODY,
pasteur à Montpellier Agglomération

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