L’antispécisme, une autre lecture du vivant
Notre rapport aux autres humains est toujours un délicat jeu d’équilibre, mais qu’en est-il de notre rapport aux autres espèces, aux animaux ? L’antispécisme nous invite à la réflexion.
Le spécisme désigne la croyance en une supériorité, par essence, de l’homme sur l’animal, l’homme étant la valeur suprême de référence. À l’opposé, né dans les années 1970, l’antispécisme est un courant de pensée qui se dresse contre l’idée que l’homme se place au sommet du règne animal. On doit sa définition au psychologue britannique Richard Ryder qui l’a défini comme l’ensemble des préjugés de l’homme à l’égard des autres espèces.
« Carne, produit, morceau, pièce… » ?
En 1975, l’ouvrage du philosophe australien Peter Singer, La libération animale, a fini par populariser cette notion. Pour le militant antispéciste, l’animal est un être vivant, sensible, qui souffre des abus du comportement humain (mauvais traitements, marchandage). Au cœur de la pensée antispéciste s’est d’ailleurs développée la notion de « sentience » ou la prise en compte des besoins des êtres vivants en capacité d’éprouver des sensations et des émotions.
Dans le Premier Testament...
Ceci dit, ces deux courants antagonistes existent déjà depuis fort longtemps, les Écritures servant longtemps de vivier argumentaire pour se contrer efficacement. Mais tout est toujours une question de positionnement, d’interprétation... et de questionnement. Tenez, dans le Premier Testament, avant « la chute », l’homme est tenu à l’écart de toute prédation, vraisemblablement végétarien, selon Genèse 1.29. Après le Déluge, Dieu lui accorde l’autorisation de manger l’animal (Genèse 9.2-3). Il intervient d’ailleurs lui-même pour vêtir de tuniques de peau Ève et Adam ; il agrée aussi des sacrifices d’animaux et nourrit son peuple au désert avec des cailles (Exode 16).
… et dans le Nouveau Testament
Jésus, lui, a mangé du poisson, de l’agneau lorsque la Pâque était célébrée ; il s’est aussi positionné de manière virulente contre les interdits alimentaires et l’impureté qui marquait ceux qui avaient enfreint ces règles (Marc 7).
Ce n’est qu’à l’évocation du règne de Dieu qu’on trouve l’image d’une Création dépourvue de prédation et paisible, comme en Ésaïe 11.6 : « Le loup habitera avec l’agneau, et la panthère se couchera avec le chevreau ; le veau, le lionceau, et le bétail qu’on engraisse, seront ensemble ; et un petit enfant les conduira. La vache et l’ourse auront un même pâturage, leurs petits un même gîte ; et le lion, comme le bœuf, mangera de la paille. »
Partenaire de la vie
Alors plutôt qu’argumenter, nous opposer, camper durement sur nos positions, réfléchissons un peu autrement... Les convictions antispécistes, les impératifs moraux qu’elles posent, l’engagement militant qu’elles inspirent, les changements comportementaux personnels et collectifs qu’elles espèrent ont le mérite d’interpeller notre rapport à l’autre. Ne serions-nous pas invités à les considérer ? En référence à la Bible, oui !
L’homme porte bien une caractéristique qui le distingue dans le monde animal ; il porte « l’image de Dieu » (Genèse 1.27). Il est donc quelque part garant, cohéritier et partenaire de la vie. Alors, s’il se reconnaît dans cette proposition, pourquoi ne « domine-t-il » pas à l’image de son Créateur, avec bonté, justice, amour, dans un esprit de respect et de service ?
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Dossier : Ces théories qui nous dérangent
Elles font partie de l’univers de pensée du 21e siècle, sur tous les continents. Leurs noms suscitent des réactions très clivées dans nos sociétés européennes. Elles nous parlent des autres et de nous. Woke ou cancel culture, antispécisme, intersectionnalité, non-mixité, etc.
Et si les Églises entraient un instant dans le sujet ? Non pas pour donner raison aux tenants les plus extrémistes de ces théories ou mouvements, mais pour retenir leurs intuitions les plus pertinentes, les plus efficaces dans nos sociétés de brassage culturel…