La famille Zimberlin à Avignon
Au moment où le synode de la région PACCA s’apprêtait à se réunir au Camp des Milles, la rédaction d’Échanges recevait ce témoignage-appel à témoins. Comment retrouver la trace d’enfants juifs sauvés entre autres par les « dames » Zimberlin ?
Marie-Louise Zimberlin (1889-1945) était professeure au lycée de Cluny où elle a été arrêtée le 15 février 1944 pour faits de résistance. Le blog « Matricule 35494 » créé il y a un an par ce lycée nous a permis d’obtenir de nouveaux renseignements concernant la mère et la sœur de Marie-Louise : Dorothée et Sophie Zimberlin.
Des protestants d’Avignon
Vieille famille protestante alsacienne venue vivre et travailler à Saint-Étienne, les Zimberlin s’installent en 1921 à Avignon, villa Alsace-Lorraine, 13 chemin de Lopy. Alors que Marie-Louise vit à Cluny comme professeure à l’École pratique de commerce et d’industrie, sa sœur cadette, Sophie, travaille avec sa tante, Frédérique Dandine, propriétaire au centre d’Avignon du magasin les « soieries Dandine ». Les faits de résistance de Marie-Louise, de 1940 jusqu’à la date de sa déportation à Ravensbrück, sont connus. Mais Sophie et Dorothée ont, de leur côté, accueilli et sauvé à Avignon, pendant la guerre, une douzaine d’enfants juifs.
Tout un réseau
Grâce au blog, nous avons reçu quelques détails sur cet accueil : les enfants étaient hébergés à l’étage où était installé un petit dortoir et Sophie se chargeait du ravitaillement en allant chercher du lait à la laiterie du Tronquet. Un ami très proche de la famille, Julien Dhombres, les aidait à cultiver le jardin afin de subvenir à l’alimentation de cette famille agrandie. En 1933, Julien Dhombres est président de l’antenne locale des Unions Chrétiennes de Jeunes Gens (UCJG) et des Éclaireurs. Sa sœur Élise travaillera aux soieries Dandine aux côtés de Sophie. Leurs amis – la famille Robert – a également participé à ce sauvetage.
Mais d’où venaient ces enfants ? Nous supposons que l’enquête doit se poursuivre du côté du camp des Milles. Les dames Zimberlin sont installées dans cette région depuis de nombreuses années. Femmes cultivées, elles se rendaient fréquemment à des conférences, fréquentaient des intellectuels et lisaient énormément. On sait qu’elles sont très impliquées au temple et rendent service à de nombreux coreligionnaires.
Elles ont donc un réseau de relations très dense qui dépasse les frontières de la région et leurs amis les plus intimes à Avignon s’engagent dans la résistance armée. Leur liste serait trop longue à transcrire ici (NDLR Elle vous sera envoyée par mail sur demande).
À Avignon, le pasteur Rouger va jouer un rôle fondamental dans le sauvetage des persécutés. Il œuvre avec le Père Roche du lycée St Joseph et le chanoine Delorme. Une cache existe derrière l’orgue de la chapelle pour accueillir des familles en attente d’une prise en charge par un réseau, en partance probablement vers l’Espagne. Le pasteur aide également le pasteur Manen et cette entraide est attestée par l’historien André Fontaine : venues du camp des Milles, des personnes persécutées furent ainsi cachées dans la paroisse d’Avignon. Parmi elles, y avait-il des enfants et furent-ils confiés à Sophie Zimberlin et à leurs amis, la famille Robert ?
Appel à témoin
Marie-Louise Zimberlin meurt après avoir quitté le camp de Ravensbrück. Dorothée Zimberlin meurt en 1946 et la tante Frédérique Dandine en 1947. À 48 ans, Sophie poursuit sa vie, seule. Elle ne partagera avec ses amis que quelques souvenirs et restera toujours très discrète, ne se vantant jamais d’avoir accompli des actes extraordinaires. Elle décède en 1980 dans sa maison chemin de Lopy. Sans descendance, elle lègue tous ses biens à l’Armée du Salut. Dès lors, plus aucun papier et plus aucune photo qui lèveraient le voile sur cette histoire de sauvetage ne peuvent venir en aide au chercheur...