Le Promontoire
Qu’est-ce qui a poussé un couple de Néerlandais, elle pasteure dans une paroisse alsacienne, lui philosophe, à acheter une grande maison sur une des crêtes vosgiennes pour l’ouvrir aux rencontres diverses ? Leur initiative et toute la réflexion sur l’hospitalité qui la motive ouvrent des pistes sur l’avenir de notre Église.
Notre maison d’hôtes, perdue quelque part sur une crête des Vosges, cherche à pratiquer l’hospitalité dans ces temps qui semblent surtout appeler à la reconstruction des frontières et des identités nationales. Le Promontoire est une sorte de petit laboratoire de la bienveillance et de la confiance, dans un espace protégé. Nous invitons nos hôtes à être ouverts aux choses imprévues, à goûter le plaisir de l’inconnu et surtout à se découvrir eux-mêmes sous une nouvelle lumière. Ce que nous recevrons en retour est riche. Quel cadeau d’avoir été témoins de celui qui s’est découvert excellent cuisinier-amateur dans notre cuisine ! Quelle joie de voir cet universitaire retrouver le goût du sens en rencontrant le questionnement des gens hors université ! Quel plaisir partagé avec celui qui n’a jamais tenu un pinceau et qui crée le portrait de l’autre ! Et que dire de cet hôte inconnu qui une nuit sonna à la porte, quand il pleuvait des cordes, à la recherche d’un abri ?
Des accueillis accueillants
Un adage tiré de l’épître aux Hébreux oriente notre projet : « En pratiquant l’hospitalité, certains ont accueilli des anges sans le savoir » (Hébreux 13.2). L’hospitalité est moins une obligation morale qu’une chance à ne pas rater ! On la décrit en général du point de vue de l’autochtone qui a la gentillesse d’ouvrir sa porte. Pourtant l’hôte désigne autant celui qui accueille que celui qui est accueilli. Autochtone et étranger ont la même origine. Je me découvre autochtone grâce à la présence de l’étranger, et vice versa.
C’est de cette idée qu’est né notre projet : faire du Promontoire une maison d’hôtes, accueillir pour que notre « être à l’étranger » (Néerlandais en France) se transforme en « être chez nous ». Ainsi, grâce à tous les non-Hollandais que nous avons accueillis « chez nous » depuis quelques années - Français, mais aussi Allemands, Suisses, Luxembourgeois, Belges, Américains —, Le Promontoire s’est révélé un être chez nous.
En acceptant l’invitation faite par un étranger, l’autochtone lui permet de se sentir chez lui. Éthique de l’hospitalité inversée en quelque sorte : ne refusez jamais l’hospitalité que vous offre l’étranger dans vos murs. C’est peut-être là une réponse à la crispation identitaire et aux tensions qui dépriment tant nos sociétés occidentales aujourd’hui. Trop peu de pays accueillant des étrangers savent investir le double sens du mouvement d’hospitalité : se laisser stimuler par le fait que les étrangers deviennent à leur tour des hôtes invitants.
Modes d’hospitalité
Comment pratiquer cette hospitalité ? Comment s’ouvrir à cet autre, étranger ? Au Promontoire, nous avons choisi la formule de l’hospitalité intellectuelle, artistique et spirituelle. La maison est devenue un lieu de passage, de rencontre, d’échange, de réflexion, de création. Par exemple, nos week-ends intitulés Espace-Esprit cherchent à stimuler le débat théologico-philosophique de manière informelle. Au menu : des questions d’actualité telles la violence, la croyance, la femme, Dieu après la mort de dieu et la question de l’hospitalité et de l’étranger. Le format de ces temps d’Espace-Esprit est celui de l’invité qui invite. Nous demandons à un penseur ou à un artiste de nous entraîner dans ses propres réflexions et d’inviter en plus un auteur qui a inspiré son parcours. Invitation virtuelle, si cet auteur est décédé.
La maison accueille aussi des stages et des retraites organisés en collaboration avec d’autres lieux. Pour l’Académie d’été du centre des Dominicains de Zwolle (Pays-Bas), nous avons créé des retraites : une semaine d’étude, de réflexion et d’excursion autour de penseurs mystiques et de philosophes juifs. La paroisse protestante néerlandophone du Luxembourg s’est retrouvée chez nous pour découvrir la mystique rhénane et la curieuse méditation de Martin Buber sur le fameux retable d’Issenheim à Colmar. Pour la troisième fois, la paroisse protestante de Gunsbach-Griesbach-au-Val organise sa retraite d’été : un écrivain animera des ateliers d’écriture qui se croiseront avec des ateliers de peinture. Après Marion Muller-Colard, Colette Nys-Mazure prend le relais pour mobiliser la créativité des participants.
L’Église comme événement
Parfois on nous dit que notre projet pourrait aider l’Église à trouver d’autres formes au croire. Si c’est le cas, tant mieux, mais nous n’avons jamais eu la prétention de créer une sorte d’Église en dehors des murs de l’institution. Cependant notre expérience nous a appris beaucoup, théologiquement parlant : l’Église n’est pas un bâtiment, un lieu sacré, une île dans le monde profane. L’étymologie du mot ecclesia le montre bien. L’Église n’est pas un lieu où l’on entre. Elle se crée au moment où l’on sort de son chez-soi bien confortable. Elle émerge en s’ouvrant vers l’avenir. L’Église est là où advient la découverte que ce qui semblait impossible devient possible. Elle n’est rien d’autre que cet événement qui fait que le monde du chacun pour soi se transforme en chacun pour l’autre. De cette Église, le grand invité invitant, l’Étranger d’Emmaüs, donne l’exemple par excellence.
En savoir plus
Pour découvrir le Promontoire :
Le Promontoire
Maison d’hôtes
6 route des Crêtes
67 220 Urbeis (Climont)
Tél. : 03 89 77 09 43
www.climont.eu