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Le rire de madame lin

01 décembre 2017

Avec ce premier long métrage de fiction apparemment modeste, mais solidement étayé sur les conséquences déstructurantes du vieillissement de la population en Chine, le jeune et brillant cinéaste Zhang Tao se concentre sur un drame de société dont son autobiographie nourrit le scénario. Celui-ci illustre la dégradation des liens entre les générations.

Dans un village du Shandong, province de l’est de la Chine, une vieille paysanne fait une chute. À l’occasion de sa fragilité physique croissante, ses enfants se déchirent violemment sous ses yeux autour de son placement  en hospice qu’ils décrètent sans la consulter. Dans l’attente qu’un lit se libère par la mort d’un pensionnaire, la délicieuse vieille dame, représentante des traditions de la Chine ancienne, devra séjourner tour à tour chez chacun de ses enfants, qui, tous, à l’image du comportement des filles du roi Lear, tentent de se dérober, tandis qu’un jour elle est prise d’un étrange fou-rire désespéré, proche d’un sanglot, ultime barrage contre la mort la solitude et l’abandon, et semble basculer dans la folie.

La mise en scène et la composition des plans nous plongent d’emblée dans une ruralité chinoise quotidienne en proie à une détresse économique dont l’abandon des vieillards n’est qu’un des symptômes. Madame Lin vit dans une grande dignité et une générosité naturelle, une déréliction et une chosification insupportable à laquelle ne s’associent cependant pas ses petits-enfants sur lesquels semble reposer la complicité du lien familial. Sans sombrer dans la comédie noire, le film reste réaliste et ses images constatent sans le juger ce dysfonctionnement de la société lié à un conflit de valeurs entre deux cultures.

Il faudra attendre le final pour voir poindre une ironie macabre. Le grand réalisateur hongkongais Wong-Kar Wai fait un beau cadeau à Zhang Tao en écrivant que « la grandeur d’une mère » de ce film à l’intense rayonnement spirituel est proche de « l’extrême dignité d’un père » dans le Voyage à Tokyo du japonais Ozu en 1953.

Le rire de Madame Lin. Zhang Tao. Sortie le 20 décembre 2017. 82 min.

Jean-Michel ZUCKER,
ProFil

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