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Lectures en tension(s) (4)

Prendre le risque d’une relation renouvelée

01 décembre 2016

« Œil pour œil, dent pour dent ! », cette expression biblique est passée dans le langage courant pour signifier non pas la justice, mais la vengeance. On l’appelle volontiers Loi du Talion, en référence au Code d’Hammourabi (vers 1700 av. J.-C.) ; pourtant le texte biblique et ce code diffèrent profondément dans l’esprit.

L’expression figure trois fois dans le Premier testament et est reprise une fois dans le Nouveau, assortie d’un des fameux « mais moi je vous dis » de Jésus. Faut-il vraiment comprendre l’expression « Œil pour œil, dent pour dent », comme une reproduction sur le coupable de la violence qu’il a commise ? Très tôt les commentateurs juifs ont fait remarquer qu’un œil n’en valait pas un autre. En effet, crever l’œil d’un homme déjà borgne n’a pas le même impact que de crever celui de quelqu’un bénéficiant d’une vision binoculaire. Or donc l’interprétation qui prévalait était plutôt celle de la proportionnalité de la peine : à celui qui a crevé un œil, une peine correspondant à un œil, à celui qui a cassé une dent, la peine correspondant à une dent, principe qui gouverne encore notre droit. Toutefois, aussi moralement satisfaisante que paraisse cette explication, si elle est possible dans les livres de l’Exode (21.24) et du Deutéronome (19.21), elle est mise en défaut dans le Lévitique (24.20) puisqu’il y est ajouté « il lui sera infligé la même mutilation qu’il a infligée à un être humain. »

Œil pour œil ou tendre l’autre joue ?

Laquelle de ces compréhensions Jésus avait-il en tête lorsqu’il a proposé une autre façon de résoudre la situation de la violence : « Mais moi, je vous dis de ne pas vous opposer au mauvais. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre » (Matthieu 5.38) ? Devant des solutions aussi opposées, nous sommes désorientés ; tels les Samnites devant les propositions d’Herennius Pontius (relisez Tite-Live !), nous préférerions quelque voie médiane. Par refus de la violence exercée, faut-il vraiment accepter la violence subie ? Il est fort probable que ce ne soit pas le sens de l’injonction de Jésus. En effet, si j’invite l’autre à me frapper une seconde fois, je ne mets pas fin à la violence, celle-ci continue.

Mettre une limite à la violence (©matteo canessa@freeimages.com)

Oser recommencer la relation

Si le texte vétérotestamentaire se propose comme un texte juridique, le commandement de Jésus se veut avant tout d’ordre spirituel et relationnel. Lorsque j’ai subi un dommage d’un autre être humain, j’ai deux façons d’entrer en contact avec lui ; la première est de présenter la joue blessée, marquée par la gifle, et le mettre ainsi, encore et encore, face à sa faute, et nous installer, dans cette relation figée de victime (moi) et de bourreau (lui). Mais si je viens à lui avec ma joue intacte, je lui propose ainsi de recommencer une relation qui ne serait pas un rappel constant d’une dette morale culpabilisante, mais une deuxième chance. Il est certain que cette solution n’est pas sans risque, celui d’une seconde mandale ; mais n’est-ce pas ainsi que Jésus revient vers nous malgré tous les soufflets que nous lui avons infligés ?

Vincent CHRISTELER
pasteur à Saint-Étienne

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