Quand Arcabas rencontre Le Corbusier

En 1953, Eugène Claudius-Petit, maire de Firminy fait réaliser un audit de sa ville au fort passé minier. Ce bilan social, économique et humain a pour but de déterminer les besoins de la population alors que pauvreté des logis, manque d’hygiène et de confort sont prédominants. Décision est prise de construire un nouveau quartier, Firminy Vert. Quatre architectes vont travailler sur ce projet – Charles Delfante, Jean Kling, Marcel Roux et André Sive – suivant les principes de la charte d’Athènes rédigée suivant les principes de Le Corbusier. 3500 logements sont prévus, dans un environnement laissant place à plus de 80 % de verdure, à des tracés piétonniers séparés des voies automobiles, à des équipements modernes. À partir de 1954, Le Corbusier rejoint le projet, proposant un Centre de récréation du corps et de l’esprit, avec une Maison de la Culture, un stade, une piscine et l’église Saint-Pierre. Plus tard, trois unités d’habitation seront envisagées, mais une seule sortira de terre.

L’église, un projet de 40 ans

Malgré un projet abouti, le chantier n’est pas encore commencé en 1965, année de la disparition de Le Corbusier. L’église connaît une première phase de construction de 1973 à 1978. Après une interruption de 25 ans, l’église est finalement achevée entre 2004 et 2006. Dans cet édifice, Le Corbusier mêle des symboles ancestraux (le carré, le cercle, la spirale) à des formes épurées et modernes inspirées de l’architecture industrielle. Sa forme générale fait référence à une cheminée de paquebot.

La nef met en valeur la lumière, suivant la course du soleil. La lumière est centrale dans le travail de Le Corbusier, soulignée par la pureté des lignes architecturales.

Le peintre de la couleur

Arcabas est né en 1926 en Moselle. Il a exercé différentes formes d’expression plastique telles que la gravure, la sculpture, le vitrail, la tapisserie, la verrerie, l’ébénisterie et la mosaïque. Il a également créé des décors et costumes de théâtre. La peinture reste cependant son moyen d’expression privilégié. Reconnu comme peintre d’art sacré, en particulier à travers sa vaste production d’œuvres liturgiques (polyptyques, vitraux, mobilier) et l’incroyable aménagement qu’il a réalisé de la chapelle Saint-Hugues-de-Chartreuse, devenue Centre d’art contemporain, il se défend cependant de cette appellation ; tout art dans sa recherche du beau étant selon lui appelé à s’approcher du sacré. Si les textes bibliques sont au cœur de son inspiration, il agrémente aussi volontiers sa peinture de sujets de la vie courante.

Parmi la trentaine d’œuvres présentées à Firminy, polyptyques d’art sacré croisent ainsi des toiles profanes, interrogeant sur la frontière ténue entre sacré et profane dans son œuvre.

Les couleurs chatoyantes soulignées à la feuille d’or d’Arcabas ont trouvé dans les jeux de lumières de l’église Saint-Pierre de Le Corbusier un écrin propre à les mettre en valeur, par la complémentarité des deux œuvres, mais aussi par les contrastes, tout aussi étonnants.