L’accueil au cœur
La Sarra, c’est d’abord le nom du quartier où est implantée la paroisse protestante de Lyon-Oullins. C’est en particulier le nom de la vaste propriété que l’Église réformée a acquise en 1945, dans la banlieue sud de Lyon, grâce à l’aide du curé de la paroisse catholique voisine. Le grand parc avec ses arbres magnifiques et ses pelouses parsemées de fleurs chaque saison invite à prendre le temps pour l’accueil et la rencontre.
Un pasteur de la Sarra disait souvent : « le culte n’est pas le centre de notre vie chrétienne, mais il est au centre de notre vie chrétienne. » Car s’il permet à chacun de se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu, de méditer Ses enseignements et d’en trouver le sens pour une vie d’ici et d’aujourd’hui, il favorise également l’émergence d’un sentiment particulier : la joie des retrouvailles communautaires ! Venus de tous les horizons, géographiques, culturels ou sociaux, des hommes et des femmes qui ne se seraient peut-être jamais rencontrés vivent et partagent, lors de leurs retrouvailles dominicales, un moment gratuit, hors du temps et des pressions de notre monde moderne. Le partage, l’échange et l’amitié s’épanouissent à l’occasion des repas partagés, des projets menés ensemble et des souvenirs communs à La Sarra.
L’accueil des plus fragiles
L’accueil est donc au cœur de nos préoccupations, car il est promesse de nouvelles rencontres, toujours enrichissantes. Trois familles ont ainsi été successivement accueillies ces dernières années dans les locaux de la Sarra. L’arrivée de Jack dans nos vies a touché beaucoup de monde : son perpétuel sourire malgré une situation personnelle très difficile est une leçon pour tous ! Il y a également eu Amir et Louda, arrivés de Syrie pour Noël, sans parler un mot de français. Ils ont su faire vivre la fraternité en s’adressant directement aux cœurs.
À la sortie du culte, ce dimanche matin, la carrure imposante de Burhan apparaît sur le perron. Accompagné de Maltin, son plus jeune fils, il vient à la rencontre des paroissiens de la Sarra. Malgré une timidité apparente, ses yeux bleus rieurs invitent au dialogue et il ne tarde pas à accueillir quelques personnes dans le petit logement qui jouxte l’église et qu’il occupe avec sa famille.
Burhan avait une trentaine d’années quand il dut quitter le Kosovo, à l’hiver 2012. Le passeur qui devait l’emmener avec sa famille avait un contact à Lyon. Il prit sa femme Jehona, leurs trois enfants, le peu de biens qu’ils pouvaient transporter et ils partirent rapidement, en minibus, pour notre beau pays. Ce n’était pas un choix : on ne décide pas du jour au lendemain de quitter ses parents, un travail que l’on aime et un pays qui nous a vus grandir pour emmener ses enfants sur le chemin hasardeux de l’exil.
Une solidarité en action
Debout, dans l’entrée, Jehona possède la même flamme dans le regard que son mari. Après avoir proposé à boire et à manger, elle me raconte leur parcours, la vie dans la rue, le Foyer des réfugiés, les dossiers de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et des apatrides) et la peur permanente d’être arrêtée et reconduite au Kosovo. Mais la mère de famille ne souhaite pas s’attarder sur les moments difficiles, elle préfère raconter la solidarité, l’implication de ces familles oullinoises qui l’ont accueillie de nombreux mois et l’aide inestimable de l’Association pour le soutien et les échanges avec les demandeurs d’asile (Asséda).
Burhan réapparaît rapidement et se joint à nouveau à la discussion. Les deux parents parlent avec fierté d’Éris, de Gert et de Maltin, leurs trois garçons, qu’ils trouvent de plus en plus épanouis dans notre cité. Les enfants n’ont que peu de souvenirs du Kosovo et parlent parfaitement français. Burhan s’investit désormais dans la vie sportive de ses garçons et fait parfois du bénévolat pour les Restos du cœur : « On ne veut pas toujours profiter de la gentillesse des gens, on veut apporter quelque chose nous aussi », me dit Jehona. « Vous savez, l’espoir, c’est la dernière chose qui meurt ! »
Un réseau d’entraide
L’Asséda proposait d’abord soutien et temps d’échanges aux demandeurs d’asile autour de repas partagés, d’après-midi jeux, etc. Cette mission a profondément changé à l’arrivée à Oullins de réfugiés évacués d’un camp de fortune établi sous le pont Kitchener en 2013. Dès l’évacuation du camp en 2014, qui a laissé des familles à la rue, des membres de l’Asséda ont accueilli, chez eux, des familles, à tour de rôle : une mesure de substitution face au déficit public, mais lourde à gérer à long terme.
De là est née progressivement, l’idée de mobiliser des logements auprès des bailleurs publics et privés, par le réseau de personnes, et de faire appel à un opérateur agréé, Alynéa, pour sécuriser la relation contractuelle entre la famille et le bailleur.
Aujourd’hui, ce projet prend vie avec trois solutions de logement : un appartement à Oullins dont le propriétaire a accepté de louer son appartement dans le cadre du dispositif avec Alynéa, la loge de l’église protestante de La Sarra, et un hébergement à l’église de Pierre-Bénite. Ces hébergements sont proposés dans le cadre d’Asséda en partenariat avec chaque église. La ville d’Oullins et la métropole de Lyon ont donné leur accord pour qu’Asséda soit mis dans la boucle pour contacter d’autres propriétaires qui accepteraient de louer des biens à mettre à disposition de familles en demande d’asile. Asséda poursuit donc la recherche de propriétaires disposés à mettre un logement à disposition. Mais pour cela, sans fonds publics, l’Asséda doit élargir l’assiette de ses capacités financières, et donc de ses donateurs par le biais du « Loyer solidaire », projet lancé en septembre dernier où chacun peut s’engager à verser un don ponctuel ou mensuel : 100 personnes qui s’engageraient à hauteur de 20 € par mois couvriraient le loyer de deux appartements pour un an !