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Une double vie

Pierre-Yves Debrenne

01 septembre 2017

Entre vocation pastorale et parcours professionnel dans le social, Pierre-Yves Debrenne a vécu un pied dans l’Église et l’autre dans la Cité (phocéenne en l’occurrence). Ses deux engagements n’ont cessé de s’entrecroiser et de s’enrichir mutuellement, l’amenant à des responsabilités que jamais n’aurait imaginées le timide jeune homme qu’il était. De la prison à la maison de quartier, de la Mairie au Conseil national de notre Église, de la Politique de la ville à Théovie…

C’est à 16 ans, au cours d’une année de catéchisme accéléré à Marseille Provence, que Pierre-Yves découvre la Bible et la vie paroissiale. Il devient moniteur d’école biblique. À 18 ans, il sait qu’il veut être pasteur, mais il est trop jeune. Il étudie l’histoire à Aix-en-Provence puis la théologie à Montpellier, dès septembre… 1967 ! La fac de théo est la première à se mettre en grève en mai 68. Pierre-Yves rencontre alors des milieux sociaux dont il ignorait l’existence. Les étudiants laissaient leur place aux ouvriers grévistes, au restau U protestant… « J’ai conscience maintenant que cela a changé la forme de mes engagements ».

Au synode national de Royan, en 1968, des étudiants sont invités, pour la première fois. Au cours de ce synode est créée la Commission générale d’évangélisation, sous l’impulsion de Georges Crespy. « Je me suis laissé structurer par ces démarches synodales, acquérant la conviction que l’Église n’existe que pour évangéliser ». Suite au synode, la faculté sera gérée par un conseil d’administration paritaire, et Pierre-Yves sera l’un des étudiants délégués.

Gérard Delteil, professeur de théologie pratique, anime aussi le Centre de rencontre et recherche protestant du Midi, côté Languedoc. Proche de Pierre-Yves, il l’encourage à faire son proposanat dans ce Centre, côté Provence, auprès du pasteur Gourdol. Il s’agit d’organiser des colloques et des conférences sur les liens entre Église et société. Puis, jeune marié, bientôt papa, il est sollicité par une paroisse libérale : Marseille Tilsitt. Les jeunes ménages qui la composent sont très ouverts, chaleureux, dynamiques… Mais leur entre-soi interroge l’ancien soixante-huitard ! Il obtient que les salles paroissiales, sous-utilisées, hébergent un Centre de rencontre, ouvert sur le quartier.

La double vie commence

Le Centre de rencontre 34 ouvre en 1975 avec une exposition sur l’histoire du quartier, propose des conférences, une troupe de théâtre, accueille diverses activités… Puis des paroissiens trouvent que leur pasteur n’est pas assez au service de leur paroisse. « Cela a participé à ma conviction que je ne m’épanouirais pas dans un ministère classique ». Le président de région, Pierre Jeannet, l’encourage à devenir aumônier aux Baumettes, mais ce n’est pas rémunéré. Or, le maire de Marseille et son secrétaire général sont protestants. Ce dernier lui propose d’ouvrir une Maison de quartier, à côté de la Belle de Mai. Il y rencontre des prêtres engagés dans la vie du quartier : travail social, culturel, bibliothèque…

Il s’organise pour aller à la prison deux fois par semaine. « Ce temps-là m’a formé humainement ». Il y croise des situations inextricables, des hommes à qui il n’est pas simple de parler de grâce, liberté, amour, pardon, dans un lieu surpeuplé, inhumain. Et puis, à quoi sert la prison ? Ne préparant pas leur sortie, elle met des jeunes fragiles au contact de plus anciens, plus durs.

Un pied dans la Cité

Pierre-Yves renonce à l’aumônerie quand il est appelé par la Mairie au poste de directeur du service des équipements des quartiers, en 1980. Plus tard il créera Marseille animation qui propose une animation culturelle dans les quartiers, les écoles, des fêtes sur la Cannebière, la relance du Carnaval, des activités en faveur des seniors… Il découvre que les associations subventionnées par la ville ne rendent pas assez compte, et crée une structure pour remédier à cette situation.

En 1989, Pierre-Yves devient directeur du cabinet du premier adjoint au Maire. Il accepte, car il a totalement confiance en cet adjoint. Puis il devient directeur du Service du logement, travail ingrat, car il n’y a pas assez de logements HLM, peu de constructions, et une pile immense de dossiers urgents, squeezés souvent par des passe-droits.

Au début des années 1990, avec la création de la Politique de la ville, Marseille se lance dans la réhabilitation des cités. Un chantier énorme dont Pierre-Yves sera le directeur pendant quinze ans. Tout est à traiter : logement, urbanisme, transports, enseignement… Pour lui, il est évident que c’est sur les écoles primaires, et notamment sur les filles, qu’il faudrait tout miser. Soutenir les mères aussi, dans leur lutte associative contre l’envahissement des cités par les dealers qui servent un système maffieux, liberticide. Il crée ateliers santé, soutien scolaire, projets urbains divers…

Un pied dans l’Église

Élu membre de la Commission générale d’évangélisation en 1980, d’abord comme trésorier puis comme président, après Georges Casalis, Pierre-Yves visite les régions pour faire émerger des propositions sur les questions de formation et d’évangélisation. « C’est là que j’ai structuré ma pensée théologique et ecclésiale ». Cette commission sera remplacée en 1992 par les coordinations Témoigner-servir et Édifier-former. Il entre au Conseil national, présidé par son ami d’études, Michel Bertrand, coanime l’équipe qui produit le livre La tentation de l’extrême droite puis celle qui lancera Théovie à la suite de Débats 2000/2000 débats. Avec Martine Millet et Élisabeth Bienvenue, il se forme au e-learning, pressentant qu’internet sera un formidable outil pour apporter l’Évangile hors des frontières ecclésiales.

Ancien président du conseil presbytéral de Marseille Sud-Est/Aubagne, ancien président du consistoire, Pierre-Yves est toujours prédicateur, notamment à Marseille et à Manosque, et présent à la radio chrétienne locale Dialogue, dont il fut président fondateur, qui vient de s’affilier à RCF.

Maintenant, Pierre-Yves se laisse interpeller par l’inattendu des questions de ses petits-fils : « Papé, Jésus, il a existé ? Pourquoi on vieillit ? »

En savoir plus

REPÈRE

Théovie est devenu un excellent outil de catéchèse ou d’animation de groupes paroissiaux. Sa gratuité permet de construire des liens avec des personnes hors paroisse.

Aujourd’hui, le papier est très peu demandé, même par les plus âgés, sauf par les aumôniers (catholiques) pour les détenus.

Deux nouvelles inscriptions par jour, pour un total de 6500 inscrits, de plus en plus jeunes : les 40-50 ans sont majoritaires. Certains s’inscrivent par la suite en fac de théologie.

Une forme adaptée aux jeunes est en construction.

Wanted : des pasteurs à la retraite acceptant de corriger les devoirs rendus par les internautes qui attendent d’être accompagnés !

Doris ZIEGLER

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