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Lecture

Pour un usage bienveillant des textes bibliques

01 mars 2018

Comment lit-on les textes bibliques ? Avec crainte, respect, curiosité, liberté ? Ne manque-t-on pas parfois de bienveillance à leur égard comme nous en manquons à l’égard des femmes et des hommes ? Corinne Lanoir, de la faculté de théologie protestante de Paris, aborde ces questions mêlant lecture du texte et épaisseur de la nature humaine.

Finalement, on traite les textes bibliques comme on traite ceux et celles avec qui on en parle. Il y a par exemple des prédications qui commencent par réprimander ceux qui sont présents à cause des absents, en sélectionnant quelques menaces prophétiques qui s’adressent à d’autres, retirées de leur contexte, sans aucun ménagement. Il y a des prédications qui fustigent celles et ceux qui ne sont pas en conformité avec un discours ou un comportement reçus, en s’arrogeant le droit de trancher des débats, ouverts dans la longue conversation des textes bibliques, en y imposant un point final. Il y a des prédications qui ont renoncé à élargir le monde, à lire les textes avec des yeux nouveaux, qui fonctionnent sur quelques refrains bibliques sempiternellement ressassés. Il y a des prédications qui sélectionnent les bons textes pour une bonne spiritualité et abandonnent à leur triste sort les textes et les gens qui ne font pas partie du lot.

 

La bienveillance, c’est faire crédit d’une épaisseur aux textes comme aux gens

(© vborodinova – pixabay – CC0)

Accueillir, c’est plus que surplomber

La bienveillance, c’est faire crédit d’une épaisseur aux textes comme aux gens, ne pas rester à la surface en pensant les avoir compris sans prendre la peine de les écouter, d’entrer dans leurs dynamiques, leurs tensions et leurs résistances, les respecter, parfois essayer de faire un bout de chemin avec eux en partageant des solidarités, des intérêts communs, des questions, en faisant état d’incompréhensions, de divergences.

La bienveillance c’est l’espace où l’on accepte de trouver de la place grâce à l’arrivée de l’autre. C’est ce qui fait la différence entre l’accueil et la reconnaissance. L’accueil, c’est le premier pas, mais on peut accueillir sans bouger, avec condescendance, en n’attendant rien de l’autre sauf une justification de soi-même, ou avec indifférence en oubliant aussitôt cette rencontre. Et on peut accueillir aussi les textes bibliques de cette façon, sans prendre en compte leur histoire, sans en faire des interlocuteurs, des partenaires qui peuvent nous amener à découvrir des réalités nouvelles, différentes de nos propres expériences et qui élargiront nos horizons.

 

Entrer dans la reconnaissance

Mais si on passe de l’accueil à la reconnaissance, grâce à la bienveillance, alors tout peut changer, pour les textes comme pour les gens. Parce qu’on peut alors prendre le temps de regarder, de déchiffrer, essayer de comprendre aussi ce qui choque, qui dérange, s’approcher de nos imaginaires différents ; la bienveillance, c’est aussi tout simplement de la curiosité pour cet interlocuteur ou interlocutrice, qu’il soit personne ou texte.

Et dans la bienveillance, il y a place pour l’humour. Les textes bibliques n’en manquent pas qui, dès qu’ils instaurent une loi, prévoient une façon d’y contrevenir ; dès qu’ils disent Dieu, proposent une autre façon d’y penser ; jouent avec les mots et les noms des personnages.

 

La bienveillance donne de la liberté et ça fait du bien aux textes et aux gens !

 

Corinne LANOIR,
professeure d’Ancien Testament

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