Une vision aux prises avec l’évolution des pratiques religieuses
Au CHU de Montpellier, l’interreligieux est depuis toujours une vision forte – du côté des communautés religieuses comme du côté de l’hôpital. Il y a une histoire interreligieuse qui s’écrit au fil des années : à travers l’échange entre les aumôniers, mais aussi à travers le vivre ensemble des communautés différentes.
La salle de culte interreligieuse à l’hôpital Lapeyronie en témoigne. Elle est toujours source de débats, de tiraillements, de conflits – et elle est le lieu de belles rencontres ! Il y a quelques années, elle était dotée d’un panneau glissant qui permettait alternativement de faire apparaître soit les symboles chrétiens avec la croix, une icône et un verset biblique, soit l’espace musulman avec ses formes géométriques harmonieuses et une orientation possible vers la Mecque. Cet espace a accueilli dans cette configuration, pendant de longues années les chrétiens, les musulmans, la communauté israélite et toute personne désireuse de s’y recueillir, de faire silence, de faire une halte.
La lutte du panneau
Or, au fil des années, les pratiques ont évolué… La fréquentation côté musulman s’est intensifiée, la pratique cultuelle chrétienne a diminué. Sauf pour la mission évangélique tzigane qui, elle, remplit encore aujourd’hui facilement la salle jusqu’au dernier rang.
Le dispositif de notre salle, telle qu’elle était, est devenu source de conflits. Que s’est-il passé ?
Le panneau glissant, permettait de choisir soit le côté chrétien soit le côté musulman, en cachant ainsi soit l’un soit l’autre côté. Il n’y avait pas de position « neutre ». « La lutte du panneau » chez les usagers de la salle, patients et familles, a commencé avec l’enjeu de faire apparaître le décor de « sa » communauté et de cacher l’autre.
La salle était de fait une salle chrétienne qui permettait une permutation ponctuelle vers une salle musulmane. Ce qui a fortement heurté les musulmans ! Car si l’interreligieux est pensé dans cette dualité qui donne de la place à l’un au détriment de l’autre, le conflit est préprogrammé. Avant, il avait caché le côté musulman, là il cachait le côté chrétien… Certains usagers sont allés jusqu’à faire sortir le lourd panneau de ses rails pour le bloquer définitivement dans la position « musulmane ».
Faire place, à égalité
Cette escalade a permis aux trois aumôneries de se demander comment faire à égalité place à l’autre dans cet espace commun – et d’imaginer un autre aménagement. Couper la salle en deux ? Non, quel témoignage néfaste ! Nous avons plutôt opté pour une salle dans laquelle cohabitent en permanence les symboles chrétiens et musulmans. Un sacré défi !
Nous priions côte à côte, en même temps, face à nos symboles et aux symboles de l’autre, dans le même espace qui s’affiche ainsi commun.
Pendant un certain temps, c’était ainsi.
Puis, tout récemment, il y a eu côté musulman l’ajout d’un paravent, séparant de manière minimaliste les espaces, protégeant les fidèles du regard.
L’histoire de cette salle n’est pas terminée, nous continuons à cheminer – et à prier ensemble.