Waltraud Verlaguet
Waltraud Verlaguet fait partie despersonnes diplôméesen théologie protestante qui ne sont pas pasteur. Cette compétence alliée à une passion, lec inéma, lui permet d'apporter toute une réflexion qui enrichit le regard de notre Église sur la société
« Si c’était à refaire, je ferais des études en “théologie et informatique”, répond-elle sans hésiter. “Quelques lignes de code, et la machine fait ce que vous voulez !” De fait, l’informatique est la troisième vocation de Waltraud Verlaguet. Et un troisième domaine où être femme paraît (ou a paru) improbable. Devenir pasteur, quand elle était ado et timide, en Allemagne, c’était avoir comme modèle un homme vêtu de noir, debout devant la communauté. Alors elle a voulu être chercheur en microbiologie, mais on ne prenait pas de fille. Donc elle a étudié la médecine et fait sa thèse en génétique moléculaire. Mais on lui a dit qu’une femme ne pouvait pas faire carrière dans ce domaine. Et aujourd’hui, quand elle entre dans un magasin d’informatique, les vendeurs s’adressent à son mari, qui n’y connaît rien, pour répondre à la question qu’elle a pourtant posée, elle...
Médecine, théologie et cinéma
Venue en France pour apprendre le français, grâce à une bourse pour étudiants, Waltraud y rencontre son mari, puis doit se “bagarrer” pour obtenir l’équivalence de son diplôme. Une fois médecin dans le Sud-Ouest, alors que ses enfants sont petits, elle suit des études de théologie protestante in absentia, à Montpellier. Sa thèse de doctorat porte sur Mechthilde de Magdebourg (publiée chez Peter Lang en 2005), première femme mystique à écrire en allemand, cinquante ans avant Maître Eckart. Waltraud est fascinée par le génie de cette femme qui a su créer de nouveaux mots pour traduire dans sa propre langue les concepts théologiques, latins, de l’époque.
Pour des raisons de santé, Waltraud doit cesser d’être médecin. Arrivée avec sa famille dans le Sud-Est, diplômée en théologie, elle fait part de sa disponibilité à Jacques Stewart, président de la Fédération protestante de France. Il lui demande de renforcer la présence théologique protestante dans le Jury œcuménique du Festival de Cannes. Ce qu’elle fait, dès 1996, ravivant du même coup avec Jean Domon l’association Pro-Fil, qu’il avait créée quelques années avant, dans sa vocation de réflexion et de rencontre entre professionnels du cinéma et théologiens. Elle a aussi mis à jour l’article cinéma de l’Encyclopédie du Protestantisme...
Apprendre à regarder, comme on apprend à lire
Un des fondements historiques – et politiques au sens large – du protestantisme est d’enseigner la lecture et l’écriture pour que tous aient un accès direct aux textes, sans se faire manipuler. Aujourd’hui, l’image exige la même vigilance, quel que soit son support : films, télévision, internet, publicité... “Si nous n’apprenons pas comment se manipulent les images, nous allons vers une dichotomie : ceux qui manipulent et ceux qui consomment sans se rendre compte qu’ils sont manipulés.” Pour garantir la démocratie, les protestants ont donc le devoir – voire la vocation – de se doter d’outils pour apprendre à décrypter, analyser, partager. Un exemple : lors du face à face entre Mitterrand et Giscard, le premier était filmé par en haut, en légère plongée. Le second l’était depuis le bas, en contre-plongée et semblait donc, de façon invisible pour un non averti, dominer le premier.
C’est là une des vocations de Pro-Fil : montrer les ficelles qui orientent notre façon de voir le monde, connaître les techniques visuelles et musicales pour nous faire ressentir joie, peur, doute... Mais aussi faire découvrir des films primés dans des festivals internationaux, jamais ou très peu diffusés en France, qui donnent une ouverture extraordinaire sur le monde. Il arrive que Waltraud fasse elle-même les sous-titres des films étrangers. “Les artistes, avec leur sensibilité, leur subjectivité, ont l’avantage, sur les reportages, de capter au mieux les problématiques de leur pays. Or, comme l’écrit Ricœur, chaque récit d’un autre augmente notre capacité de vivre notre vie”.
Le cinéma au service de la théologie
Les films sont un très bon outil pour aborder des thèmes de réflexion théologique. Dans un livre paru en 2010, Cinéma et théologie : regards croisés, Jean Lods recense tous les thèmes possibles avec les films qui leur correspondent, et Waltraud Verlaguet propose pour chacun une réflexion théologique. Ce manuel offre un précieux support aux pasteurs, catéchètes ou animateurs de groupes de jeunes. “Les films nous disent quelque chose du monde, nous aident à le connaître, à l’analyser. De plus, pour les thèmes délicats, susceptibles de créer des débats houleux, le film est un médiateur, un référent efficace, car on peut toujours revenir à ce qu’il dit et comment il nous le fait sentir.”
C’est toute cette sensibilité et cette prise de conscience que Waltraud partage quand elle va donner des cours à la faculté de théologie. En lien avec Claude Levain, professeur de théologie pratique, elle a assuré en 2014-2015 des séances pour les étudiants en Master “théologie et cinéma” (en ligne sur le site de Pro-Fil). Cette année, en lien avec Christophe Singer, actuel professeur de théologie pratique, elle a organisé un cycle de cours public sur ce thème, assuré conjointement par des membres de Pro-Fil et des théologiens, tous les jeudis soirs pendant ce trimestre à Montpellier.
Elle donne des conférences là où on le lui demande, pour attirer le plus largement possible l’attention sur la nécessité de s’intéresser au cinéma dans les Églises. Les protestants ont parfois un peu de mal avec ce “loisir” qui ne serait que pure distraction, sans aucun lien avec la vie spirituelle. Alors qu’ils ont là un formidable media de compréhension du monde, passionnant à aborder avec les plus jeunes.
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Repère
Waltraud Verlaguet est fière de la riche base de données du site de ProFil, et cherche des bénévoles pour l’alimenter : “C’est aussi simple qu’envoyer un mail !” On peut s’abonner à la revue Vu de ProFil.
Site : www.pro-fil-online.fr
Contact : secretariat@pro-fil-online.fr
Elle a traduit de l’allemand le livre de Mechthilde de Magdebourg : La lumière “fluente” de la